La voie du sabre
Ken : Le sabre
Le katana, comptant parmi les armes blanches les plus redoutables jamais forgées par l’homme, est l’un des symboles du Japon les plus emblématiques. Que ce soit par le tranchant acéré de sa lame ou son esthétisme, c’est une arme qui a toujours fasciné les peuples d’hier et aujourd’hui… Symbole par excellence de la caste des samouraïs, le katana est un sabre, c’est-à-dire qu’on l’utilise aussi bien dans les coups d’estoc que de taille et que celui-ci ne comprends qu’un seul tranchant. Selon les mythes shintos, il fut offert par la déesse du soleil Amaterasu à l’humanité, et constitue ainsi un objet sacré.
Entre « sabre qui répands la mort » et « sabre qui crée la vie », nous verrons au fil du dossier quels sont les valeurs et idéaux véhiculés par celui-ci ainsi que la manière dont il a influencé les pratiques martiales, spirituelles et ésotériques aussi bien en temps de guerre, qu'en temps de paix.
L’Homme forge le sabre, mais le sabre forge aussi l’Homme. Voyons à présent quelle relation les unit tous deux.
La création d'un sabre :
Forger un sabre est un acte des plus sacrés qu’il soit au Japon. C’est créer l’objet qui sera, un jour, imprégné de l’esprit d’une divinité, d’un kami. On comprend ainsi que forger est un acte technique mais aussi un acte religieux. C’est pourquoi on retrouve dans toutes les forges de petits autels shinto, dédiées à diverses divinités et notamment les kami du métal (Kanayama-biko et Kanayama-hime).
La création d’un sabre est un processus, comme vous pouvez vous en doutez, des plus complexes aussi nous nous contenterons de voir ici sommairement les différentes phases de sa fabrication.
Dans un premier temps parlons du métal utilisé. Il se nomme Tamahagane qui signifie littéralement « Acier précieux ». Celui-ci est obtenu après un long processus que nous ne décrirons pas ici.
Une lame de qualité doit répondre à trois critères :
Orezu : Ne pas casser
Magarazu : Ne pas se tordre
Yoku kireru : Bien couper
Toute la difficulté du processus consiste à obtenir une lame suffisamment dure pour trancher efficacement, tout en restant suffisamment souple pour ne pas casser. Cependant, une lame trop souple risquerait de plier ! C’est donc avec ces éléments que les forgerons japonais doivent jongler. Ces derniers ont donc mis au point une méthode qui permet de résoudre cette équation. Cette méthode consiste a fabriquer une lame composée de métaux de rigidité différentes et réparties sur la lame à divers endroits.
Voici une image qui présente quelques exemples. Il en existe évidemment plus, mais cette image illustre bien le procédé utilisé par les forgerons japonais.
Après le forgeage vient le polissage. Polir le sabre est un art qui a acquis ses lettres de noblesse au fil du temps. L’objectif du polissage est double. Rendre la lame la plus tranchante possible, mais aussi donné au sabre cet éclat, presque fascinant, qu’ont les katanas. Ces étapes vont se faire à l’aide de pierres abrasives et dont le grain va progressivement diminuer au fil du polissage.
Après le polissage viendra l’assemblage et le sabre aura acquis sa forme finale. Il sera ensuite consacré lors d’une cérémonie shinto, le sabre étant un objet sacré et ayant une forte vocation spirituelle comme nous le verrons plus loin dans le dossier.
Comme je l’ai dit, il ne s’agit que d’un très bref aperçu, si vous voulez plus de détail sur la création du sabre, je vous recommande chaudement ce documentaire que vous pouvez trouvé dans le spoiler ci-dessous :
L'anatomie du katana :
Comme dans beaucoup d'autres domaines au Japon, tout a sa place mais aussi, tout a un nom... Et le sabre japonais ne fait pas exception à la règle. Nous allons voir ici une présentation simplifiée de l'anatomie du katana, vous pourrez retrouver une présentation plus détaillée mise sous spoiler à la fin de ce chapitre.
Tsuka : poignée
Tsuka ito : tressage de la poignée
Saya : fourreau
Kashira : pommeau
Tsuba : garde
Sageo : dragonne
Kojiri : embout du fourreau
Tsuka ito : tressage de la poignée
Saya : fourreau
Kashira : pommeau
Tsuba : garde
Sageo : dragonne
Kojiri : embout du fourreau
Nagago : soie
Nagasa : lame
Mekugi Ana : trou pour fixer la poignée
Hamon : ligne de trempe
Mune : dos de la lame
Ha : tranchant
Kisaki : pointe du sabre
Nagasa : lame
Mekugi Ana : trou pour fixer la poignée
Hamon : ligne de trempe
Mune : dos de la lame
Ha : tranchant
Kisaki : pointe du sabre
Menuki : ornement de la poignée
Mekugi : goupille de fixation de la lame à la poignée
Habaki : virole qui maintient le sabre dans le fourreau
Fuchi : virole
Mekugi : goupille de fixation de la lame à la poignée
Habaki : virole qui maintient le sabre dans le fourreau
Fuchi : virole
Un point qui me paraît important et qui n'est pas présenté dans ces images : Le tiers le plus proche de la pointe du sabre porte le nom de "Mono-Uchi" et constitue la partie du sabre la plus tranchante (bien que tout le reste de la lame le soit aussi). C'est pour ça qu'il est toujours dis, à une personne pratiquant la voie du sabre, de "trancher avec le bout de la lame".
Quelques grands noms et présentation :
Miyamoto Musashi : (sabre et stratégie)
Miyamoto Musashi est probablement le plus célèbre des sabreurs qui soient au Japon. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord il est censé avoir été invaincu tout au long de sa vie, il est aussi le fondateur d'une école de sabre qui a perduré jusqu’à aujourd'hui, du nom de Hyoho Niten Ichi Ryu qui est connu pour porter l'essentiel de sa pratique sur le maniement des deux sabres dont Musashi serait le premier à avoir "institutionnalisé" la pratique. On lui connaît également plusieurs ouvrages qui sont parvenus jusqu'à nous et dont les plus connus sont : Le traité des cinq roues (ou traité des cinq anneaux) et le Dokkodo (signifiant littéralement "la voie à suivre seul" et qui corresponds à une sorte de recueil de proverbe que Musashi aurait écrit à la fin de sa vie.
Une autre raison à la célébrité que celui-ci connaît de nos jours est due aux deux livres écrits par Eiji Yoshikawa : "La pierre et le sabre" et "La parfaite lumière" qui sont une version romancée de la vie de Musashi.
Voici une courte biographie de Miyamoto Musashi :
Miyamoto Musashi est donc, comme vous l'aurez compris en lisant sa biographie, un homme qui développa sa technique sur le terrain. N'ayant jamais été réellement adepte d'une école en particulier, il affinait ses techniques au fil des duels qu'il menait... et remportait. C'est ainsi qu'il en vint donc à créer sa propre méthode de combat et crée la Hyoho Niten Ichi Ryu (littéralement : « l’École de la stratégie des deux Cieux comme une Terre ») aussi connu plus simplement sous le nom de "l'école des deux sabres".
En effet là où l'immense majorité des samouraïs utilisaient un seul sabre long avec leur deux mains (le katana classique), les pratiquant de l'école de Musashi utilise le katana avec une seule main (la droite) et possède dans l'autre main (la gauche donc ! ) un sabre court ou shoto.
C'est une école que l'on peut étudier encore de nos jours et dont on trouve même certains enseignants en France pour ceux que ça intéresserait
Et en pratique ça donne quoi ???? Ben ça donne ça :
Musahi est également connu pour ses qualités de stratège. C'est sans doute, entre autres bien entendu, grâce à cette capacité qu'il a pu remporter autant de duel. Vers la fin de sa vie, il entreprit de consigner sa connaissance de la stratégie dans un livre : Le traité des cinq roues.
Comme son nom le laisse sous-entendre le traité des cinq roues est composé de cinq chapitres faisant chacun référence à un élément. Dans l'ordre : Terre / Eau / Feu / Vent / Vide.
Chapitre de la terre
Ce chapitre aborde la "tactique" dans le sens dans laquelle on pourrait la concevoir. Musashi y aborde l'usage des différentes armes présentes à l'époque (hallebarde / sabre / arc / armes à feu /...) et met en exergue les situations dans lesquelles telle arme à un avantage sur une autre.
Exemple : Les hallebardes seront préférées dans les combats en extérieur alors qu'on privilégiera les sabres en intérieur ou lors des combats rapprochés.
Musashi insiste aussi sur l'importance de l'étude et de l’expérimentation des savoirs acquis :
Un autre point très important aux yeux de Musashi est celui des rythmes et la capacité que l'on peut avoir à se synchroniser à celui des autres ou à celui de son environnement.
La notion de rythme, dans le cadre de kenjutsu, est à associer à celle de l'espace. Ainsi on détermine les trois "moments" qui sont : Avant / Pendant / Après et qui sont reliés aux 3 mouvements de base : Reculer / Rester sur place / Avancer. Tout au long du traité des cinq roues est fait le parallèle entre le duel (l'affrontement entre deux personnes) et la guerre (affrontement entre deux armées). En effet il est aisé de constater que les principes évoqués ici s'appliquent à ces deux situations.
Chapitre de l'eau
Dans ce chapitre de l'eau, Musashi indique selon lui quel devrait être l'état d’esprit de tout guerrier. Celui-ci doit être calme et équilibré. Le fait d'être équilibré a un double avantage. Tout d'abord c'est un état propice au développement et à l'apprentissage, mais aussi un état qui ne laisse entrevoir aucune ouverture dans laquelle l'adversaire pourrait s'engouffrer.
Enfin est mis en exergue le fait que l'état d'esprit au cours d'un duel ne doit pas être différent que celui que l'on a dans la vie de tous les jours.
Chapitre du feu
Ce chapitre traite davantage du combat en lui-même et livre de nombreuses "astuces" qui permettent de faire la différence. Comme par exemple faire en sorte que l'adversaire ait le soleil de face etc....
Ce chapitre comme les autres, fait une fois encore le lien entre le duel et la bataille
Le tout est de parvenir à exploiter nos forces tout en entraînant l'adversaire dans une situation de faiblesse et ainsi exploiter ses défauts.
Chapitre du vent
Celui-ci est assez différent. En effet il nous expose les différents styles d'escrime pratiqué à l'époque et la faiblesse qu'ont chacun d'entre eux. Pour Musashi le seul moyen de pratiquer une forme d'escrime "sans faille" était de s'intéresser aux principes fondamentaux du kenjutsu (techniques de sabre) et que sont la stratégie. Ainsi ces principes fondamentaux et généraux permettent l'adaptation et permettent d'apporter la réponse la plus efficace et précise lors d'une situation donnée.
C'est pourquoi l'école de Musashi insiste autant sur la maniement de plusieurs armes sans se limiter à celui du sabre. Elle n'est cependant pas la seule école à prôner ce type d'enseignement comme nous le verrons plus tard.
Chapitre du vide
Par vide, Musashi entends "ce qui est non-visible". Ce chapitre est celui qui vient clore le traité des cinq roues et constitue en quelque sorte son apogée.
Etant donné que celui-ci est très court je me permets de le mettre dans son ensemble ici.
La signification de ce texte peut paraître assez obscure, mais il ne faut pas oublier que comme tout enseignement, celui-ci s'accompagne d'une transmission orale qui est encore assurée de nos jours par les maîtres de l'école Hyoho Niten Ichi Ryu.
Cette partie ne constitue évidemment qu'un aperçu de ce qu'est le traité des cinq roues et de l'enseignement de Musashi. Si vous voulez en savoir plus à son sujet le mieux reste de lire ce traité dans son ensemble et même, pourquoi pas, devenir membre de cette école si cela vous intéresse vraiment.
Miyamoto Musashi utilisant les deux sabres
Yagyu Munenori (le sabre de vie)
Biographie :
YAGYU Munenori (1571-1646), fut sans doute le plus grand maître de sabre de la maison des shôguns Tokugawa. Fils du célèbre maître de sabre fondateur de l'école Yagyù Shinkage-ryu, Yagyû Sekishusai Muneyoshi, il devint, sur recommandation de son père, le maître de sabre des shôguns Tokugawa leyasu , Hidetaka et lemitsu . Issu de la petite noblesse de la région de Kyoto, Munemori fut anobli en 1636, prit le titre de Tajima-no-Kami et fut le bras droit de lemitsu allant jusqu'à contrôler, au nom du shôgun, les autres seigneurs.
Yagyu Munenori
Yagyu Munenori est également l'auteur d'un livre nommé le sabre de vie. Celui-ci est composé de trois parties :
Le pont qui vit revenir la chaussure
Le sabre instrument de mort
Le sabre de vie
En voici différents extraits :
Un point important de l'enseignement de Yagyu Munenori, est celui du "non-sabre", voici ce qu'il en dit :
Nous venons à présent d'en apprendre davantage sur Miyamoto Musashi et Yagyu Munenori. Mais ces deux personnes ont un point en commun, ou plutôt devrai-je dire, un ami en commun... Cet ami c'est Takuan Soho que nous allons découvrir à présent.
Takuan Soho (sabre et zen)
Biographie :
Takuan Soho, maitre de zen du 17 ème siècle fut donc contemporain des maîtres de sabres Miyamoto Musashi (niten ichi ryu), Yagyu Munenori (yagyu shinkage ryu) et Ono Tadaaki (itto ryu). Il côtoya les plus grands, aussi bien les artistes, les maîtres de sabre et même le shogun qui fit sa connaissance sur recommandation de Maître Yagyu.
Takuan, un moine « bonze » à l’allure et aux manières étonnantes, mais tellement pertinentes voire percutantes dès son plus jeune âge qu’il bouleverse les intellectuels les plus connus…
Issu d’une famille de samurai, homme d’amour et de paix il cherche la proximité et le débat avec certains des hommes les plus dangereux qui soient. Et non seulement il s’accordera l’amitié de grands combattants mais il se permettra même de les corriger, les instruire voir même les sermonner. Imaginez donc l’un des hommes les plus puissants du pays se faire « gronder » par un chauve aux allures de clochard…A n’en pas douter que son esprit devait être remarquable !!
Takuan fait partie de ses « hommes véritables » très recherché pour leurs nombreux talents et leur présence d’esprit. Ses talents était multiples, penseur, peintre, poète, calligraphe maître de thé et maître dans l’art du jardin, très certainement cuisinier de génie car un condiment porte aujourd’hui encore son nom.
Devenu moine à 14 ans il devient maître supérieur du temple zen le plus important de Kyoto à 35 ans ce qui est une grande première. Mais ce poste et toutes les contraintes qui l’accompagnent ainsi qu’une notoriété démesurée pousseront Takuan à l’abandonner très vite. Excentrique et rebelle de nature, il vivra son esprit indomptable toute sa vie n’hésitant pas à s’opposer au shogun lui-même. Il vivra relativement vieux (76ans) pour mourir en 1645 en toute modestie. « Enterrez mon corps dans la montagne, derrière le temple, couvrez-le de détritus et rentrez chez vous. Ne lisez pas de sutra, n’organisez pas de cérémonie. Ne recevez pas de cadeaux des moines, ni des laïques. Laissez les moines porter leur robe ordinaire, mangez comme l’accoutumé et continuez à vivre normalement. » Il prit ensuite un pinceau, traça l’idéogramme YUME, le rêve, pour en finir avec le sien et s’éteindre.
Cet homme est l’un des premier à insuffler une philosophie réellement des plus efficace pour qui souhaite progresser dans les arts martiaux. On retrouve ses pensées dans les écrits de Musashi ainsi que dans ceux de Yagyu Munenori et en particulier dans le heiho kadensho qui lui est quasiment dédié. Il est fort probable qu’il ait influencé un grand nombre de sabreurs et d’autres artistes tout au long de sa vie.
Source
Yume : Le rêve
L’esprit indomptable : Ecrits d’un maître de zen à un maître du sabre :
Cet ouvrage, écrit par Takuan lui-même est composé de 3 parties :
Fudochishinmyoroku : Le récit mystérieux de la sagesse immuable
Reiroshu : Le son clair des joyaux
Taiaki : Les annales du sabre Taia
Voici quelques extraits de cette œuvre dans lesquels on peut retrouver les influences du bouddhisme zen.
Quelques notes sur ce second passage :
Le sabre de Taia est un sabre chinois réputé pour être capable de trancher toute chose.
Kashyapa est le disciple qui prit la succession de Bouddha à sa mort après avoir réussi cette épreuve.
La pratique du sabre :
Nous allons maintenant voir quelles sont les différentes disciplines ayant pour objet le maniement du sabre. Il ne s’agit évidemment que d’un bref aperçu, chacune de ces disciplines mériteraient à elles seules je ne sais combien de dossiers. Seront donc présentés ici :
- Le kenjutsu
- Le kendo
- Le Iaido
- Le Batto-do
Puis nous terminerons en mettant en exergue le rapport présent entre le maniement du sabre et les techniques de combat à mains nues.
Kenjutsu :
Le kenjutsu (signifiant simplement "techniques de sabre") est un art martial traditionnel qui, à la différence du Karaté, Aikido ou Judo, suit un mode d’enseignement traditionnel japonais. Ce mode d’enseignement est celui des koryu (dont nous verrons un exemple plus tard) signifiant « écoles anciennes ».
Le kenjutsu, dans la plupart des écoles, se pratique sans armure, mais avec un keikogi et un hakama (voir photo ci-dessous). Comme les pratiquants ne portent pas d’armure, les « combats libres » ne sont pas autorisés afin d’éviter les blessures, mais aussi car ce concept n’est traditionnellement pas toléré. Dégainer le sabre est un acte sacré au Japon et par conséquent tout duel au sabre ne peut être qu’un combat à mort.
On comprend ainsi que l’enseignement du kenjutsu se fait par le biais de kata qui sont des séquences prédéterminées que le pratiquant de kenjutsu (seul ou en duo) va reproduire un nombre incalculable de fois dans le but de progresser dans son art.
Kuroda Tetsuzan de l'école Shinbulan lors d'une démonstration de Kenjutsu
Kendo :
Le kendo peut être considéré comme la version moderne et sportive du kenjutsu. A l’origine de cette discipline se trouve Naganuma Shiro qui vécut durant la période d’Edo (1600-1868). La période d’Edo étant une période de paix, c’est ainsi dans une période où le maniement du sabre avait perdu son utilité sur le champs de bataille que naquit le Kendo. C’est donc pour essayer de reproduire les conditions d’un vrai combat que Naganuma Shiro entreprit, au début du 18ème siècle, la création de cette discipline.
Ainsi le bokken (sabre en bois) fut remplacé par le shinai (sabre de bambou) et une armure fut mise au point pour permettre de porter des coups à force réelle.
Les quatre différentes parties composant l’armure du kendoka sont :
- Men (面) : masque pourvu d'une grille métallique couvrant le visage et la tête, les épaules et la gorge.
- Kote (甲手) : gants protégeant les poignets et une partie des avant-bras.
- Do (胴) : plastron protégeant le ventre au niveau des côtes et qui remonte jusqu'à la poitrine.
- Tare (垂) : protection couvrant le bas-ventre et le haut des cuisses.
Pour gagner en kendo, il faut être le premier à marquer deux points. Un point ne s’obtient que si le coup porté répond à plusieurs critères que voici :
• kiai,
• détermination,
• une posture adéquate,
• la partie valable de son Shinai correctement orienté sur une cible valable de l'adversaire,
• et vigilance après la frappe (zanshin )
Une représentation des différentes zones considérées comme "valables" dans les règles du kendo
Ces différentes règles font donc du kendo un sport avant tout. Pour illustrer, ce point on peut mettre en exergue le fait qu’un coup à la cuisse n’est pas considéré comme « comptant » alors que dans un combat réel, la section de l’artère fémorale aurait entraîné la mort du combattant atteint.
Mais il s’agit toutefois d’un sport avec un fort aspect spirituel, que ce soit par l’étiquette et le protocole ou les principes qu’ils véhiculent, le kendo prends alors, à haut niveau, une dimension beaucoup plus « interne ».
Le principe peut-être le plus fondamental du kendo est le ki ken tai itchi signifiant : l’esprit, le corps et le sabre en un. Si on décompose cette expression on obtient :
Ki : Que nous traduirons simplement ici par énergie et qui dans le cadre du kendo s’exprime par la détermination que l’on met dans un assaut. Cette détermination s’exprime par le kiai qui tient une place très importante dans le kendo. (vous pouvez retrouver ce post au sujet des kiai : Kiais et cris d'énergie
Ken : Le sabre. Qui indique que le coup doit être portée avec une partie « valide » du sabre sur une partie « valide » de l’armure de l’adversaire.
Tai : Qui, là où le ki représentait la détermination de l’esprit, représente la détermination du corps. Ce point s’exprime lorsque le kendoka frappe du pied le sol au même moment qu’il coupe avec son sabre et qu’il émet son kiai.
Iaijutsu et Iaido :
De même qu’il existe une distinction entre kenjutsu et le kendo, il existe également une distinction entre Iaido et Iaijutsu. Cependant là où le kendo peut être considéré comme l’aspect sportif du kenjutsu, ce n’est pas le cas du Iaido vis-à-vis du Iaijutsu.
Iaijutsu consiste en l’art de dégainer le sabre tout en coupant le tout en un seul geste.
C’est ainsi pour faire face à des attaques imprévues que fut développé le Iaijutsu.
Ogura Noboru Sensei
(Source)
Le iaijutsu (ainsi que le iaido) se travaille exclusivement sous forme de kata. Il existe plusieurs points de départs différents dans un kata de iaijutsu. Le plus commun est la position « seiza » ou à genoux. Pourquoi étudier une technique de combat en partant d’une telle position vous allez me dire. Pour répondre à cette question je vous rappellerai que les japonais ont pour habitude de vivre à genoux et par conséquent que l’on peut être attaqué par surprise alors qu’on se trouve dans cette position. D’où l’intérêt de savoir dégainer correctement et rapidement !
A la différence du kenjutsu, la plupart des katas de iaijutsu s’effectuent seul. C’est ce qui permet notamment l’emploi d’un véritable sabre et non d’un sabre bois qui est généralement utilisé pour éviter les blessures.
Le Iaido comme précisait au-dessus est le penchant moderne du Iaijutsu. Par conséquent, ici, le développement personnel et spirituel a une place prépondérante alors que l’efficacité martiale est reléguée au second plan.
Les deux restent pratiqués de nos jours, chacun pouvant ainsi approfondir l’aspect de cette pratique qui l'intéresse. Même si de mon point de vue, les deux aspects se complètent et que l’un a besoin de l’autre pour être compris.
Battodo :
Le battodo est l’art de la coupe à proprement parlé.
De nos jours l’entrainement se fait sur des bottes de paille ou sur des roseaux tressés, cependant il faut savoir que pendant longtemps cet art se pratiquait sur le corps de prisonniers morts… ou encore vivants.
Art du sabre et arts de combats à mains nues :
On peut distinguer deux grands types d'arts de combat à main nues.
- Le karaté qui est né sur l'île d'Okinawa et qui a des origines chinoises
- Le jujutsu qui a une origine japonaise, bien qu'il n'avait pas cette appellation à l'époque et qu'il fut marqué lui aussi par des influences chinoises
Le jujutsu fut conçu et testé sur le champs de bataille au cours de combats rapprochés. L'idée était de permettre aux samouraïs de pouvoir continuer à se battre même si celui-ci perdait son arme au cours du combat. Contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, le jujutsu n'était pas pratiqué par les paysans pour se défendre, mais était au départ réservé aux samouraïs.
Il faut garder à l'esprit que les techniques de jujutsu "originelles" ont été conçues pour être pratiqué avec une armure pour affronter un adversaire en armure lui aussi. Ainsi, exit les sauts et autres coups de pieds retournés, les mouvements se veulent minimalistes, ce qui n'enlève rien à leur efficacité. En suivant ce critère, on peut dire que le judo ou l'aikido ne sont pas des formes de jujutsu dites traditionnelles, bien que les deux s'en inspirent.
Je vais maintenant faire le lien entre art du sabre et Aikido car c'est l'art martial que je connais le mieux ^^
L'Aikido est issu du Daito-ryu et on peut retrouver dans sa pratique des éléments communs avec le sabre. La garde de base est une garde de sabre, les mouvements de base sont des mouvements de sabre, les principes utilisés sont des principes de sabre. Et c'est assez cohérent quand on sait que cet art a été développé à l'origine par des maîtres de sabre. Plutôt que de créer un art de nul part, ils ont de cette façon transposé leur technique de sabre pour le combat à mains nues.
Pour plus d'informations, vous pouvez retrouver le dossier sur l'Aikido
Tout d'abord au sujet du dégainage : Dans la plupart des films, quand un samourai dégaine son sabre, cela fait une sorte de bruit assez métallique. Tout d'abord quand on regarde de quoi est composé un fourreau, on se rend compte que ce type de son est impossible à produire. De plus, même si c'était possible, cela serait le signe d'une maladresse remarquable quand on sait que le dégainage ou le rengainage du sabre doit normalement ne faire aucun bruit.
Au sujet des présentoirs d'armes ou katana-kake : Le sabre se pose la lame vers le haut et non vers le bas. Ceci dans le but de ne pas abîmer la lame au fil du temps.
Au sujet du port du sabre à la ceinture : A moins que son possesseur ne soit un cavalier, là aussi la lame se porte vers le haut. Mais ici la raison est qu'à partir de cette position, vous pouvez facilement dégainer et couper en un même geste. Ce qui n'est pas le cas si la lame se trouve vers le bas.
Dernier point au sujet des combats en eux même : Normalement, lorsque le samouraï effectue une parade à l'aide de son sabre, il n'utilise pas le tranchant de sa lame, car cela l’abîmerait. Il utilise pour cela le côté ou le dos de la lame.
Voilà quelques points que j'ai noté, si vous en avez remarqué d'autres, n'hésitez pas !
Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu :
J’ai souhaité à ce point du dossier vous présenter une école d’armes traditionnelle pour vous donner une idée et mon choix s’est porté sur la tenshin shoden katori shinto ryu. Pourquoi celle-ci ? Dans un premier temps c’est l’une des plus anciennes écoles à enseigner encore de nos jours. Ensuite c’est la seule à avoir été reconnue "patrimoine culturel immatériel" par le Ministère de la Culture Japonais en avril 1960. Il y’a bien évidemment de très nombreuses autres écoles intéressantes mais il fallait faire un choix ^^
Comme bien souvent, l’identité d’un style de combat est empreinte de celle de son fondateur. La Tenshin shoden Katori Shinto Ryu, qui signifie « Ecole de l'enseignement shintô véritable et divin de Katori » ne fait pas exception à la règle. C’est pourquoi nous allons tout d’abord voir la biographie de son fondateur : IIZASA CHOISAI IENAO
Biographie de Iizasa Choisai Ienao :
Le fondateur du Tenshin Shoden Katori Shintô Ryu est Iisasa Ienao. Il est né il y a plus de 600 ans, en 1387, dans le village de iisasa, situé dans la préfecture de Chiba. Sa contribution à la pérennité de la culture japonaise est indéniable et il a ouvert la voie à plusieurs autres arts martiaux. À l’époque, il n’existait pas d’école d’arts martiaux mais quelques familles qui en conservaient la doctrine. Ienao pratiqua dans son enfance le sabre et la lance, pour arriver à en maîtriser les techniques de combat.
Il acquit peu à peu une grande réputation martiale, participa à de nombreuses batailles et ne fut jamais vaincu.
À l’âge de 64 ans, il s’installa près du temple Katori, où est encore érigé un monument à sa mémoire. Ienao pratiquait tous les matins avant le lever du jour, été comme hiver, l’art du sabre, de la naginata (fauchard: lame recourbée fixée au bout d’un long bâton) et le yari (lance). Ses exercices se poursuivaient toute la journée et se terminaient par un bain de purification en eau glacée et le récit de prières devant le temple Katori. De retour dans sa demeure, il étudiait jusqu’à épuisement les récits religieux et philosophiques. Il mena cette vie durant 1000 jours.
Au cours d’une nuit, lui est apparu, sous la forme d’un rêve, le Dieu du temple Katori : Futsu Nushi No Mikoto. Ce dieu, qui avait pris la forme d’un jeune garçon, était assis sur la branche d’un vieil arbre, au même endroit où se déroulait sa pratique journalière. Cette vision interpella Ienao et lui demanda de s’approcher afin de lui remettre un manuscrit : le Mokuroku Heiho Shinsho, et lui insuffla ces mots:" Choisai tu seras le tuteur des plus grands maîtres de sabre sous le soleil levant ". Après ces mots, le jeune homme bondit de l’arbre et disparut.
À son réveil, il était en possession du manuscrit. Le Mokuroku contient la description des techniques et stratégies martiales. Suite à cette révélation, Ienao prit le nom de " Choisai " et fonda son école de sabre. Il ajouta au nom de son école le terme Katori, pour rendre hommage au Dieu du temple Katori. Afin d’honorer Futsu Nushi No Mikoto, il ajouta Tenshin Shoden (transmis des Dieux). Il ajouta également le mot Shintô (sabre pur, immaculé), nommant ainsi son art le Tenshin Shoden Katori Shintô Ryu.
Il pratiqua très durement pendant plusieurs années et à l’âge de 70 ans, il fut consacré grand professeur de sabre et considéré quasi comme un maître. Il fonda une école et enseigna à de nombreux disciples. Le légendaire MUSASHI Miyamoto (1584-1645) lui-même figure dans le registre de l’école.
Choisai meurt en 1488, à l’âge exceptionnel de 102 ans. Il est enterré près du sanctuaire de Katori. Les nombreux arts du maniement du sabre inventés au milieu de l’ère Ashikaga (shogun ASHIGAKA Yoshimasa (1435-1490) dont Choisai fut le maître) ont reçu l’influence de son école.
Ienao disait que « celui qui arrive à l'emporter sur son adversaire sans combattre est supérieur à celui qui l'abat ».
Il enseignait qu'au travers d'un entraînement austère, le pratiquant pouvait atteindre le katsujin-enken (sabre qui préserve la vie, éveille et accomplit l'être humain).
Le Tenshin Shoden Katori Shintô Ryu fut consacré Trésor national du Japon en avril 1960. Il est un témoignage historique de l’héritage culturel du Japon. On le désigne souvent par le terme Kobudô, ce qui signifie arts martiaux anciens.
Biographie tirée de : Source
En tant qu’école traditionnelle, elle suit le système de la filiation : Le soke (descendant du fondateur) actuel ne pratiquant pas, c’est Risuke Otake qui est aujourd’hui considéré comme le maître instructeur de l’école.
Risuke Otake
L’enseignement de cette école regroupe plusieurs disciplines :
Kenjutsu : Présenté plus haut
Iaijutsu : Egalement présenté plus haut
Ryotojutsu : Techniques des deux sabres
Kodachijutsu : Techniques au sabre court
Bojutsu : Techniques au bâton
Naginatajutsu : Techniques à la hallebarde
Sojutsu : Techniques à la lance
Shurikenjutsu : Techniques de lancer de shuriken (sortes de pointes de formes variées)
Senjutsu : Techniques de stratégie
Shikujojutsu : Techniques de fortifications
Ninjutsu : Techniques d’espionnage
Jujutsu : Techniques de combat à mains nues.
A cette liste, on peut rajouter l'étude des domaines suivants :
Tenmonchiri : Astrologie et topographie
Inyo kigaku : Principes en provenance de l'ésotérisme bouddhistes chinois
On voit donc que le pratiquant de la Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu, apprendra le maniement de plusieurs armes différentes. Cet apprentissage s’effectue, ici aussi, par le biais de katas, cependant il est intéressant de noter que quelle que soit la discipline étudiée, un des pratiquants portera toujours un sabre. Un exemple. Dans le cadre des techniques de hallebarde, seulement un des deux pratiquants maniera la hallebarde et l’autre un sabre. De même pour les techniques de bâton, seulement un des deux pratiquants utilisera le bâton et non les deux.
En tant qu’école ancienne et traditionnelle, l’adhésion à l’école se fait, au Japon, par la signature du Keppan (« Serment »). La particularité du Keppan est qu’il est signé avec le sang de la personne souhaitant rejoindre l’école. Il est dit que les kamis rattachés à l’école s’en prendront à tous ceux qui violeraient ce serment.
Voici les différents points qu’il contient :
- Ne pas divulguer les enseignements de l'école.
- Ne pas discuter de l'école avec des non-membres (et encore moins montrer les techniques).
- Ne pas se livrer aux jeux d'argent ou fréquenter des places de mauvaise réputation.
- Ne pas se battre en duel avec des pratiquants d'autres écoles avant d'avoir obtenu un certificat de maîtrise (le Menkyo Kaiden).
Magie et art du sabre dans la Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu :
La plupart des écoles de sabre proposent à leurs élèves les plus avancés des enseignements que l’on pourrait considérer de plus « ésotériques ». La Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu ne fait pas exception à la règle et on peut en retrouver un aperçu dans le livre Risuke Otake : Le sabre et le divin. Aperçu car comme dans la majorité des cas la transmission de ce type d’enseignement est essentiellement orale.
Méthode Kigaku : Méthode de divination de l’avenir se basant sur le principe de « Kyuseigaku » aussi connu sous le nom de "Science des neuf étoiles".
Méthode Gogyo : Cette méthode avait pour but de déterminer quels étaient les meilleurs emplacements pour mener un combat ou établir un campement. Elle se base sur les éléments chinois, qui, selon la manière dont ceci se repoussent ou s’attirent, permettent de déterminer l’emplacement idéal.
Voici les différentes interactions :
Le bois produit le feu
Le feu produit la terre
La terre produit le métal
Le métal produit l’eau
L’eau produit le bois
Le bois détruit la terre
La terre détruit l’eau
L’eau détruit le feu
Le feu détruit le métal
Le métal détruit le bois
La Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu s’inspire également des enseignements de la secte bouddhiste shingon, dont les membres étudient diverses disciplines comme le « juho » (art des incantations et des formules magiques) et le « Hojutsu » (la magie).
Parmis ces enseignements, on trouve Ku-Ji les neuf lettres, qui correspondent à une série de neufs positions à reproduire avec ses mains (ou « mudra » dans la culture indienne). Chaque position ayant, comme on peut s’en douter, une signification qui lui est propre.
Ju-ji (la dixième lettre) corresponds à un ensemble de symboles magiques que les samouraïs avaient pour habitude d’inscrire sur leurs armes et armures pour s’assurer victoire, courage, santé et autres.
Sabre et shintoïsme :
Nous avons déjà eu l'occasion d'avoir un aperçu sur les pratiques magiques liées à l'art sur sabre dans la présentation de la Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu. Ils s'agissaient de pratique d'inspiration bouddhiste pour leur plus grande partie, voyons à présent quelle est la vision du shintoïsme à ce sujet.
Le sabre, avec le miroir et les joyaux, fait partie des cadeaux offerts à l'empereur par Amaterasu (déesse japonaise du soleil) et qui constituent les trois trésors sacrés du Japon.
Petit rappel sur la symbolique de chacun des trois trésors :
L’épée représente la force et confère à l’empereur la suprématie militaire. A noter ici que la symbolique de l’épée n’est pas à considérer uniquement dans son aspect « négatif » où elle serait un instrument de mort. Les japonais font en effet une importante distinction entre « le sabre qui prend la vie et celui qui la donne ». Cela peut paraître contradictoire de voir une épée donner la vie mais il faut l’entendre dans le sens du sabre qui répand la justice et la paix…
Le miroir symbolise la puissance d’esprit d’origine divine qu’a l’Empereur. Elle lui confère la suprématie religieuse.
Ce miroir, fait de bronze symbolise la sagesse et la pureté d’esprit. Par lui on s’observe soi-même, à la recherche de ses qualités mais aussi de ses défauts. Il s’agit donc d’un symbole de la remise en question et du travail sur soi.
Les joyaux évoquent la bienveillance de l’Empereur ce qui lui confère la suprématie civile.
Ils sont une forme de griffes ce qui implique que si on les assemble deux à deux, on peut reconstituer le symbole du yin et du yang.
Amaterasu offrant le miroir, le sabre et les joyaux à Ninigi
Dans le shintoïsme, il est décrit que chaque homme a en lui quatre potentiels qu'il peut développer au cours de sa vie. Ces quatres potentiels sont :
Kushimata : L’esprit mystérieux
Aratama : L’esprit du raffinement
Nigitama : L’esprit d’élévation
Sakimata : L’esprit d’abondance
Dans l'ésotérisme shinto, le sabre permet de développer Aratama : L'esprit du raffinement. Nous allons cependant revoir ici la signification des quatre potentiels, car nous en reparlerons plus tard.
Kushimata : L’esprit mystérieux :
Kushimata représente les perceptions qui vont au-delà du physique. Le Kototama nous dit que Kushimata est « comme le sel dans l’océan, caché au centre de l’existence ». C’est le potentiel d’accès à la sagesse par lequel la dualité devient unité.
Aratama : L’esprit du raffinement
Le symbole d’Aratama est le sabre qui peut être considéré comme une arme grossière ou comme un élégant outil de raffinement. Ce sabre représente le jugement humain et l’esprit critique qui est utilisé pour « trancher » l’illusion qui entoure l’homme afin de percevoir le monde de manière claire et précise.
Aratama est aussi associé au courage. Le courage de rechercher la vérité, de se libérer de toutes les préjugés que nous avons-nous-même établis.
On peut faire une analogie avec la caverne de Platon où Aratama représente le sabre qui nous libère de nos chaînes et le courage nécessaire pour en sortir…
L’esprit critique, aux yeux des Japonais, est donc le seul outil sur lequel l’homme puisse se reposer pour saisir « Michi » ou le chemin de vie.
Nigitama : L’esprit d’élévation
Il est représenté par les joyaux et symbolise le pouvoir de lier les choses entres elles. Nigitama est associé à la mémoire par laquelle les progrès de l’homme deviennent possibles.
Nigitama est également associé à l’amour ou plus précisément à la compassion. Etant également associée à l’élément eau, le Kototama nous dit que si l’homme n’est pas capable d’amour l’eau se refroidit jusqu’à geler.
Sakimata : L’esprit d’abondance
Nommé également esprit de bonheur ou de succès bien que cette appellation n’ait pas vraiment de rapport direct avec sa fonction principale.
Pour faire le lien avec une vision plus occidentale de la chose, Sakimata est le potentiel par lequel l’homme joue son rôle de canalisateur des énergies divines sur le plan physique. C’est l’homme se trouvant entre Ciel et Terre (et non pas Terre et Ciel ^^).
Sakimata est aussi la source de ce qu’on pourrait appeler le « sentiment spirituel » et représente ainsi le premier pas à effectuer sur la Voie.
Lorsque l’homme a développé ses quatre potentiels (Kushitama / Aratama / Nigitama / Sakimata) alors celui-ci peut atteindre Naohi où il devient le miroir parfait de l’univers. A cet instant, l’individu se reconnaît en l’univers et tout est compris…
Pour plus de détail, vous pouvez retrouver le dossier sur le shintoïsme.
Pourquoi pratiquer l'art du sabre au 21ème siècle ?
C’est une question qui revient souvent assez régulièrement quand vous dites que vous vous intéressez à une telle voie. Je trouve celle-ci néanmoins intéressante car elle permet d’aborder notamment la dimension plus « spirituelle » qu’a cet art. Evidemment, il ne s’agit ici que de ma vision personnelle et qui n’est bien entendu pas à l’abri d’évoluer avec le temps.
Tout d’abord, de mon point de vue, le maniement du sabre ne relève pas du tout du sport mais bien plus de l’art. Ainsi contrairement à certaines disciplines où l’on atteint le summum de notre niveau vers l’âge de 25 ans pour ensuite chuter, ici on ne fait que progresser avec l’âge. Les contraintes grandissantes imposées par notre corps avec l’âge ne sont ainsi pas des limites à l’évolution mais des éléments qu’il faut savoir prendre en compte et auxquels il faut s’adapter. Je dirai même que dans ces évolutions du corps se trouvent une des clés de la véritable maîtrise…
Quand on débute et que l’on a 16 ans (l’âge auquel j’ai commencé) on se dit quelque chose du genre au sujet du sabre : « Plus j’utiliserai le sabre avec force et plus celui-ci coupera de manière efficace ». Par le simple fait d’effectuer une coupe de cette manière, même dans le vide, il apparaît évident que ce n’est pas la bonne manière de l’utiliser. Une coupe en sabre ne se fait pas avec les bras, elle se fait avec la respiration et par conséquent, avec tout le corps. Tout le travail va ainsi consister à éliminer sans relâche toutes les tensions et toutes les pensées qui viendraient en quelque sorte « polluer » le mouvement.
Au fil des années le corps évolue et laisse de moins en moins place à l’erreur, il devient plus exigeant. Mais c’est cette exigence du corps qui est vraiment un moteur de progrès, le corps, au final, s’épure de lui-même et notre travail consiste à suivre cette évolution. Peut-être qu’à ce stade de votre lecture vous direz quelque chose comme : « Bouah il a que 21 ans, il ne sait pas de quoi il parle !! » Bien sûr que je ne sais pas mais disons que de m’être fait maîtriser par un papy de 60-70 ans lors d’un stage d’Aikido m’a poussé à réaliser certaines choses. Et parmi elle que l’âge n’est pas un frein au progrès, bien au contraire ! Il nous pousse à nous recentrer sur les principes fondamentaux qui font la pratique du sabre et ainsi à mieux les appréhender.
Progresser sur la voie du sabre, c’est donc aiguiser son esprit de la même manière qu’on aiguise une lame, c’est polir son âme de la même manière qu’on polit un miroir. Je sais que c’est quelque chose que j’ai répété tout au long du dossier mais le sabre est à mes yeux un objet sacré. Le sabre est un kami en soi, une divinité concrétisée sous forme physique. Tenir un sabre dans ses mains, c’est avoir le pouvoir de cette divinité entre les mains. Ce qui fait du katana un objet si dangereux est que tout homme peut faire absolument tout ce qu’il souhaite de ce pouvoir… Oui absolument tout… Vous voulez tuer, il tuera, vous voulez détruire, il le fera mais sachez qu’il vous détruira aussi. Le sabre comme tout objet « magique » ne vise qu’à concrétiser nos pensées, nos émotions et nos aspirations. C’est à nous de choisir quelles sont les aspirations que nous voulons voir réaliser…
Peut-être qu’en lisant ceci, vous comprendrez mieux l’importance que les japonais accordent à l’étiquette et aux protocoles ? L’étiquette, avant d’être une forme de reconnaissance envers les autres et avant tout une forme de reconnaissance envers soi. Par le protocole, vous rejoignez le groupe et ses objectifs et vous rompez avec l’individualité ainsi que les désirs qui lui sont associés. Même avec des sabres en bois, l’entraînement reste dangereux. Ne pas être complètement immergé dans ce que l’on fait, que ce soit par distraction ou parce que l’on se sent en quelque sorte grisé par le sabre, nous mets en danger nous et notre partenaire. L’étiquette vise à contrôler cela, à nous conditionner pour la pratique. Car oui manier un katana peut-être grisant, car non seulement celui-ci concrétise vos envies, pensées ou désirs, mais en plus de ça, il les amplifie ! Et c’est d’ailleurs cette amplification qui fait du sabre, de mon point de vue, un formidable allié dans l’introspection…
Nous avons vu dans ce dossier quels étaient les trois trésors sacrés qu’Amaterasu, la déesse du soleil, avait offerts à l’Empereur : le sabre, le miroir et les joyaux. Cependant dans ma manière de voir les choses le sabre peut, selon la manière dont il est utilisé réunir en lui les trois trésors. En tant qu’arme il nous permet d’acquérir puissance et pouvoir, tel un miroir il nous renvoi sans cesse à nos propre défauts et désirs et la dualité qui lui est associé entre le « sabre qui donne la mort » et « le sabre qui donne la vie » l’associe aux joyaux qui une fois réunit représente l’équilibre des opposés.
Personnellement je pense que parmi ces trois aspects du sabre, celui qui peut le plus nous apporter au 21ème siècle est celui du miroir. Il est difficile d’expliquer avec des mots ces sensations… Le sabre est, de par sa nature, intransigeant. Chaque mouvement ou force excessive utilisée dans le mouvement sera sanctionnée. Chaque émotion inappropriée sera sanctionnée. Le fait de pensée à réaliser une coupe correct le sera aussi. Même le simple fait de vouloir couper sera sanctionné. Quelle est la sanction vous allez me dire ? Et bien cela dépendra selon les cas, celle-ci pouvant aller d’une simple erreur « technique » à blesser votre partenaire ou vous-même… C’est donc cette faculté qu’a le sabre à amplifier et à révéler nos tensions intérieurs que réside, selon moi, sa force et qui fait de lui un allié dans l’introspection.
A force de travail, une fois les tensions internes épurées, une fois que l’on s’est trouvé au-delà de nos désirs et de nos peurs alors commence un autre travail, un autre chemin. Le sabre est devenu une part de nous, le sabre que l’on tient dans nos mains n’est que l’aspect extérieur du sabre que nous avons forgé au fil du temps et qui lui, en revanche, se trouve en nous... Le sabre permet de cultiver le corps et l’esprit… Mais personnellement je pense qu’il est aussi bien de « cultiver le sabre », de lui rendre hommage. Il nous le rendra bien…
Voilà à quoi cela sert, de mon point de vue, d’étudier la voie du sabre au 21ème siècle, à faire de notre corps et de notre esprit, un véritable sabre.
Ainsi s’achève ce dossier sur la voie du sabre… Comme je l’ai dit celui-ci ne reflète que la compréhension de cet art que j’ai aujourd’hui. Je ne suis personnellement encore qu’un débutant sur cette voie et je ne doute pas qu’à force de pratique mon avis sur la question évoluera encore. En tout cas, et je pense que vous l'aurez compris ( ), c'est un sujet qui me passionne.
J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce dossier, j’espère que vous en aurez aussi pris à le lire.
Merci pour votre lecture
Ushi’
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